Page:Jammes - Le Deuil des primevères, 1920.djvu/22

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je chercherais en vain ce que je peux porter.
Le sel serait mangé par l’agneau des ravines
et le vin serait bu par ceux qui t’ont pillé.

Je songe à toi. Le jour baisse comme ce jour
où je te vis dans mon vieux salon de campagne.
Je songe à toi. Je songe aux montagnes natales.
Je songe à ce Versaille où tu me promenas,
où nous disions des vers, tristes et pas à pas.
Je songe à ton ami et je songe à ta mère.
Je songe à ces moutons qui, au bord du lac bleu,
en attendant la mort bêlaient sur leurs clarines.
Je songe à toi. Je songe au vide pur des cieux.
Je songe à l’eau sans fin, à la clarté des feux.
Je songe à la rosée qui brille sur les vignes.
Je songe à toi. Je songe à moi. Je songe à Dieu.