Page:Jammes - Le Deuil des primevères, 1920.djvu/32

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parler aux vieux objets qui te diront ma vie
Mais n’interroge pas la boîte à botanique
où dormirent les fleurs de mon adolescence.
Elle conserve encore le reflet des forêts
aux jours des accablants et des tristes étés.
Ne l’interroge pas, car son parfum fidèle
pourrait mourir de joie en te reconnaissant.

Assieds-toi un moment à ma petite table.
J’y ai posé quelques livres sur un vieux châle.
Là mon encrier luit lorsque le jour s’éteint.
Un almanach jauni indique une autre année.
Ce sont des jours amers, ce sont des jours fanés,
doux comme le journal d’Eugénie de Guérin.

Tu verras, dans un coin, la malle en bois de camphre
et sur laquelle, enfant, me couchait ma grand’mère ;
et qui dort maintenant ayant passé la mer
tempétueuse, il y a bientôt deux cents ans,
avec l’Oncle pensif qui revenait des Indes,
n’ayant qu’un souvenir de femme dans le cœur.