Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/117

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Clara d’Ellébeuse va dans sa chambre. Elle ouvre le cahier à la page où se trouve le poème de Roger. Là une pensée a séché. Vite, elle l’enlève. Mais la tige et le cœur de la fleur ont laissé, en s’y écrasant, une petite tache d’un vert jaune. Clara veut l’effacer, mais ne peut y réussir. Elle mouille son mouchoir et frotte la tache qui s’élargit. C’est comme les clefs de la femme de Barbe-Bleue. Elle redescend, et tend le cahier tout ouvert à Roger. Celui-ci sourit. On fait silence. Il lit :

À Franz de la Mirandière.
à l’occasion de son mariage

Au moment que tu vas, sur une voile errante
Tranchant le tiède azur d’une mer transparente,
Porter ton bel amour aux pieds des orangers,
Laisse un moment souffler aux cordes de ma lyre
Cette brise du cœur, spirituel zéphire
Qui berce Dieu dans ses vergers.

La vie est devant toi, s’ouvrant comme un portique
Où de suaves lys mêlent au pur cantique
De ton hymen naissant leurs parfums langoureux.
Tribun, laisse un moment l’orage populaire
Gronder, et que ta voix qui calme sa colère
N’ait plus que des accents heureux.