Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/118

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Si tu t’en vas errer sur la plage dormante,
Abandonnant ton bras à l’épouse charmante,
Et laissant l’Océan souffler dans tes cheveux,
N’écoute plus les voix des factions humaines,
Mais, les regards fixés sur celle que tu mènes,
Comprends la voix de l’âme et ses secrets aveux.

Lorsque tu penseras à ta chère Patrie,
À cette Liberté par les bardes chérie,
Pour qui nous combattons et pour qui nous mourrons,
Dis-toi : la Liberté que Dieu donne à notre âme
Est sainte, s’il prosterne aux genoux d’une femme
Tous les orages de nos fronts.

Et maintenant, haussons nos coupes de jeunesse
Aux lèvres de l’ami deux fois heureux qui laisse
Un songe s’éveiller dans la réalité,
Et que nous saluons au seuil sacré d’un temple,
D’où l’avenir, soleil des jours passés, contemple
Tout un bonheur d’éternité.

— Merveilleux ! Oh !… Merveilleux !… s’écrient en même temps Mmes d’Ellébeuse et d’Étanges. M. d’Ellébeuse, gravement, fait un signe d’approbation. Quant à M. d’Astin, il se lève, très ému, et, tendant la main à Roger Fauchereuse :

— Jeune homme, lui dit-il, les larmes aux yeux, je ne suis point dans vos idées. Mon siècle est mort. Mais laissez-moi vous dire que vous irez loin.

Roger Fauchereuse s’est levé. Son attitude, un peu empruntée, est charmante. Il a rendu le