Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/119

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cahier à Clara et, le poing sur la hanche, sanglé dans sa redingote de chasse, la tête un peu en arrière, il regarde le déroulement des collines. Un murmure des chants des vêpres parvient jusqu’à la terrasse. Et, dans les villages lointains, des cloches battent.

Clara d’Ellébeuse n’a rien dit. Jamais peut-être elle ne fut plus doucement émue qu’aujourd’hui, si ce n’est le jour de sa première communion. Encore ce jour-là, sa joie fut-elle empoisonnée par des scrupules. Elle se souvient qu’au moment de partir pour la messe elle craignait d’avoir bu de l’eau pendant la nuit. Avant d’aller se ranger parmi ses compagnes, elle fit part de son inquiétude à sa mère qui en sourit, et l’envoya à M. l’aumônier qui la tranquillisa. Elle évoque cette sainte journée. C’était il y a cinq ans. Elle avait une couronne de roses blanches sur ses bandeaux ondulés, une chemisette ornée de ruches de tulle, et une robe et une jupe festonnées. Dans son missel recouvert d’ivoire, elle avait réuni les pieuses gravures que ses amies lui avaient données. Au dos de ses gravures, on lisait de fines dédicaces : « À ma chère Clara, en souvenir du plus beau jour de notre vie ; » « À ma tendre amie Clara d’Ellébeuse, jusque dans la Patrie de Dieu » ; « À ma préférée Clara, souvenir d’une