Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/181

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c’est dans l’œuvre du Créateur que résident nos joies et nos consolations.

Maintenant, ô mes enfants, je vous dis adieu. Ce n’est point sans émotion que je contemple, une dernière fois sans doute, les charmilles de ce parc sous lesquelles, il y a septante et cinq années, de chères Ombres se fiancèrent. Mais ce n’est pas non plus sans douceur qu’après des tribulations sans nombre j’aspire à l’éternel repos, trop heureux que le Tout-Puissant m’ait fait encore cette grâce de voir renaître en vous un passé chéri.

Son discours fini, M. d’Astin se rassied péniblement. Un respectueux silence, puis des applaudissements accueillent ces éloquentes paroles. À côté de l’orateur une forme noire frémit. C’est l’antique Mme d’Étanges, la grand’mère de la pauvre Clara d’Ellébeuse, qui sanglote dans ses mains veinées et noueuses. Et, tout à coup, avec une attitude charmante et douloureuse, gardant toujours sur ses yeux l’une de ses mains, elle tend l’autre à son vieil ami d’Astin, qui en baise les doigts où semblent pleurer les bagues anciennes.

Et Almaïde d’Etremont, belle comme la nuit dans sa robe ardente, se dit en regardant le vieux gentilhomme qui lève son verre en tremblant