Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/198

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d’hiver, la neige des sommets que n’atteint pas encore la marée de l’ombre.

Sur le seuil de la cuisine convertie en chambre mortuaire glousse une poule, craintive, la patte en l’air, vers ses poussins dispersés. La flamme du cierge tremble, rougeoie, file et fume au-dessus du crucifix et de l’assiette d’eau bénite où trempe un laurier noir. Au mur sont suspendus un bissac et une gourde. Le chat, devant l’âtre éteint, se peigne délicatement. Une vieille paysanne en capuchon noir prie, tousse et s’en va. De belles filles de la vallée ne s’agenouillent qu’un instant, effrayées par cette chose incompréhensible : l’immobilité de cet enfant dont la souplesse peut-être un jour les surprit.

Almaïde d’Etremont se prosterne. Elle se dit :

— Il avait ce berret marron et ce costume, les jours qu’il dansait avec les chevrières…

Elle essaie de prier, mais ne le peut. Sa pensée reprend :

… Avec les chevrières… qu’il dansait avec les chevrières… Il avait cette même boucle de cheveux, la fois où il m’a rencontrée… qu’une branche m’avait griffée au front. Les bêtes s’étaient échappées. Je crois que c’est la plus noire qui bêle… Il est temps de s’en aller d’ici. Oh ! que je souffre… Elle se lève.

— Vous êtes bonne d’être venue, Mademoiselle.