Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/205

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Et elle sent sa douleur croître comme une ronce, seconde par seconde.

Cet état de la jeune fille n’est pas sans inquiéter M. d’Astin qui connaît hélas ! l’atavisme paternel de la jeune fille, et qui sait dans quel mysticisme sombrèrent plusieurs de Alcaraz.

Il s’essaie parfois à distraire Almaïde. Il lui fait visiter cette antique demeure encombrée comme un roman d’aventures. Le parfum d’un autre monde y règne. Et, considérant les objets rapportés de la Chine, on songe à Sindbad-le-Marin. Dans le salon, il y a une chaise à porteurs dans laquelle est assise une grande poupée du Céleste Empire qui, de sa main passée à la portière, laisse pendre un hibiscus rouge. En s’approchant, on admire la robe d’azur de ce mannequin charmant dont la tête, appuyée en arrière, offre, comme une rose éternelle, le sourire un peu dédaigneux de la bouche.

Çà et là, sont des meubles rares, des chaises incrustées de nacre ou des fauteuils drapés de robes si légères que l’on distingue à travers elles les pivoines couleur de chair qui s’épanouissent aux dossiers. Les pieds de l’un de ces fauteuils reposent en des babouches si petites, si jolies que l’on songe à Cendrillon. Et, sur les murs, on voit de gaies peintures, polies comme des porcelaines