Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/363

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et pendant les intervalles qu’elle ne les habitait point[1].

Je crois, dans cette solitude obscure où je pénètre, entendre bouger le silence d’une époque morte. C’est un bruit grêle et lointain, un sautillement précipité dénotés — épinette ou clavecin ? Puis tout se tait. Cela reprend et, tout à coup, deux voix unies jaillissent, aiguës et limpides, retombent.

Eux ? Pourquoi se taisent-ils ? Ses doigts ont-ils quitté le clavier grinçant et se joignent-ils passionnément sur la nuque dorée de Maman ? Que se passait-il par ce même après-midi d’alors, par ce jour triste et blanc ?

… Une porte a battu. Est-ce Claude Anet qui est entré et les trouve ainsi enlacés ?… Je me l’imagine si bien, ce maigre laquais sartunien costumé de noir, sentencieux et discret, la voix pâle, aux gestes rares, qui mourut vieux à vingt-huit ans

  1. Cette maison, peu connue des Chambériens, est située au fond, et à droite, du cul-de-sac dont parle Rousseau. Elle porte le numéro 44. On y accède soit par ledit cul-de-sac (seul passage autrefois) qui s’ouvre entre les numéros 40 et 54 de la place Saint Leger, dont elle fait partie, soit par un corridor qui prend rue des Arcardes. (Le mur auquel fait allusion Rousseau ayant été démoli.) Une borne qui se trouve en face de la maison, dans la cour où aboutit le cul-de-sac, indique, paraît-il, l’emplacement de ce mur.