Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/364

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pour avoir pris mal en allant cueillir du génipi[1]

Je songe à cette fin prématurée, et elle m’inquiète, car je me souvins de cette nuit où la funèbre maison retentit des cris de la Warens affolée, parce qu’il avait tenté de se tuer en avalant du laudanum. Ce soir-là elle errait en chemise, agitée par une pénible scène qu’elle avait eue avec lui. « Elle trouva la fiole vide et devina le reste[2]. » Elle criait à Jean-Jacques :

— Va voir. Petit… Va chercher Grossi… Je te dis que je deviens folle… Il va mourir… Il meurt ! Ô mon Dieu !… Du café ?… Il s’était enfermé à clef, ce soir, pour m’empêcher de l’aller trouver comme d’habitude… Je te dis qu’il est jaloux… jaloux sans raison… jaloux même de toi… Il s’était enfermé pour se tuer… Va vite donc ! Va vite… Cours !…

Mais à cette heure, est-ce lui Claude Anet, au retour de quelque herborisation ? Il ne s’offusque plus de les surprendre ainsi, ayant dû se plier enfin aux exigences de sa bonne maîtresse. Elle n’eût

  1. Claude Anet a été enterré à Saint-Léger (St-François de Salles, Chambéry), le 14 mars 1784. Il était né dans le pays de Vaud, en 1706. Le génipi dont parle Rousseau doit être l’artemisia spicata ou le mutellina.
  2. Les Confessions, partie I, liv. V.