Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/367

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tions. Il fallait, je le devine, qu’il lui laissât toute liberté ; qu’il ne fût point jaloux ; qu’il renonçât à ses vices, qu’il n’allât point s’exposer au danger des autres femmes.

Elle entendait rester maîtresse pour ceux qu’il lui plairait d’élire, sachant bien, au fond d’elle-même, qu’il lui donnerait moins de joie que Claude Anet, et qu’elle ne le prenait que par manie d’éducation, et pour ne pas sentir son amour-propre irrité par des rivales qui l’eussent devancée. Elle ne se trompait guère quant à l’issue de cette possession, qui lui donna moins de plaisir que de peine.

Aussi, Jean-Jacques, dans sa naïveté d’abord, dans son orgueil ensuite, continua-t-il de prêter « un tempérament de glace[1] » à cette femme exigeante, passionnée jusqu’à la folie, et que stigmatisent assez un goût bizarre pour l’alchimie, des entreprises singulières, l’exaltation mystique et une névrose de l’estomac.

La vérité, c’est qu’elle ne le tint jamais pour son véritable amant et que, dès qu’elle se fut aperçue des désordres qu’elle provoquait en lui, sans qu’il suscitât le moindre trouble en elle, tacitement, elle l’éloigna.

Mais dès ce jour il la gêna ou, plutôt, il gêna les plus intimes qui résolurent de s’en débarras-

  1. Les Confessions, partie I, liv. V.