Page:Jammes - Le Roman du lièvre, 1922.djvu/347

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l’herbe et que nous connaissons peu. Quelles fêtes se donnent-elles parmi les plantes, leurs sœurs ?

À l’heure où l’homme repose, les lapins argentés par la rosée bondissent sur les menthes des sillons et tiennent des conciliabules ; les grenouilles coassent dans la mare, y clapotent ; les vers luisants filtrent leur molle et humide lueur jaune ; la taupe fore la prairie ; le rossignol sanglote comme une fontaine ; le hibou fait entendre ses tristes rires comme s’il s’associait lui aussi, mais timidement, à la joie de Dieu.

Combien j’aurais voulu être une bête de la nuit, un lièvre frémissant dans une haie d’aubépine, un blaireau frôlé par les feuilles des juteux maïs verts. Je n’aurais eu que les soucis de ma défense physique. Je n’aurais pas aimé. Je n’aurais pas espéré.



Hier, j’ai entendu le premier pipeau du printemps. Je me souviens de ces vers de moi écrits à propos des Charmettes et de Mme de Warens :


Doux asiles ! Douces années ! Douces retraites !
Les sifflets d’aulnes frais criaient parmi les hêtres…


et je songe aux crépuscules d’enfance.