Page:Janin - Critique dramatique (1877) - Tome 2.djvu/308

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s’apprendrait en moins d’un jour ! — II y a des règlements et des lois pour les balayeurs de la rue, il n’y en a pas pour les faiseurs de livres, et pendant que sous le soleil chaque état obéit à des nécessités dont nul ne se peut dispenser, il arrive qu’au milieu du corps social, pareils à des insectes grouillant au soleil, les insectes de la plume attaquent le timide, insultent le poltron, dénoncent la vertu, outragent la beauté, piquent et désespèrent quiconque est à la portée de leur venin lamentable ! Au fond de soi-même on sent une répugnance indicible à voir ces usurpations de l’abîme.

On se demande s’il est juste enfin d’appeler du même mot, homme de lettres, l’honnête homme et le scélérat, le grand écrivain et le reptile, l’infamie et la gloire ? — Les Romains et les Grecs, nos maîtres, avaient des noms excellents pour exprimer les diverses professions de l’esprit ; ils reconnaissaient des poètes, des orateurs, des philosophes, des sophistes, des grammairiens, des mathématiciens ; ils ne savaient pas ce que cela voulait dire, homme de lettres, bon à tout, prêt à tout ! Homme de lettres, comme on était autrefois chez nous homme de robe, homme d’épée, homme d’église ! Ou bien si, par malheur, quelques gens se rencontraient qui ne fussent, en