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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/143

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de son gîte du soir et de son repas du lendemain ; son visage était franc et ouvert, le hasard respirait dans toute sa personne. J’ai toujours remarqué que le hasard donnait à un homme qui s’y abandonne franchement, je ne sais quel air de force et de liberté qui fait plaisir à voir : ainsi était le voyageur. Comme je voulais me divertir à tout prix et que d’ailleurs il n’avait pas l’air bien farouche, je me mis à marcher à ses côtés ; c’était un bon homme, il m’adressa la parole le premier :

— Vous allez à Paris, Monsieur ? me dit-il ; en ce cas, vous me montrerez le chemin, car dans toutes ces carrières et parmi toutes ces ronces, je me suis déjà égaré deux fois.

— Volontiers, mon brave ; vous n’avez qu’à me suivre ; nous entrerons à Paris ensemble, bien qu’à vrai dire vous n’ayez pas l’air très-pressé d’arriver.

— Je n’ai jamais eu hâte d’arriver nulle part. Où je suis bien, je reste ; où je suis mal, je reste encore, crainte d’être plus mal. Tel que vous me voyez, véritable héros de grand chemin, j’ai plutôt mené la vie d’un bon bourgeois que d’un chevalier errant. La patience est la vertu qui vient après le courage. Il y a en Italie plus d’un rocher sur lequel je suis resté quinze jours en