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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/145

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che recourbé ; figurez-vous un jeune bandit ainsi armé, posté sur le haut d’un roc, défiant l’abîme, chantant et se battant tour à tour, tantôt faisant alliance avec le pape, et tantôt avec l’empereur, rançonnant l’étranger comme un esclave, buvant le rosolio à longs flots, faisant les délices des tavernes et des jeunes filles, et toujours sûr de mourir à une potence ou sur un lit de grand seigneur : voilà le bon métier que j’ai perdu !

— Perdu ! Cependant il me semble que vous n’avez pas dû être facile à pendre, et que, si vous vous êtes retiré du métier, c’est que vous l’avez bien voulu.

— Vous en parlez à votre aise, répliqua le bandit ; si comme moi vous aviez été pendu…

— Vous, pendu !

— Oui, j’ai été pendu, et encore pour ma dévotion. J’étais caché dans un de ces impénétrables défilés qui bordent Terracine, quand un beau soir (la lune s’était levée si brillante et si pure !) je me ressouvins que depuis longtemps je n’avais pas offert le dixième de mon butin à la madone. Justement c’était la fête de la Vierge ; toute l’Italie ce jour-là avait retenti de ses louanges, moi seul je n’avais pas eu de prière pour elle ; je résolus de ne pas rester plus longtemps en retard ;