Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/15

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temps de vous servir du télescope, la loupe vous reste ; ainsi armé, vous serez l’homme des infiniment petits ; vous serez le poëte, ou, ce qui revient au même, l’anatomiste des détails ; votre domaine, pour être ainsi rétréci, n’en sera pas moins un vaste domaine. Allons donc ! Vous passiez autrefois de la masse aux détails, de la façade aux corniches, du tout à la partie ; aujourd’hui la marche est changée. Une ruine imposante s’élève là-haut au sommet de cette montagne ; si vous voulez la bien voir, commencez par étudier ce petit fragment de pierre ; cette pierre s’est détachée de cette petite fenêtre à ogives qui éclairait la vieille chapelle du château ; la chapelle touche aux tourelles, les tourelles touchent à la place d’armes… si bien que voilà tout un monde retrouvé à propos de ce fragment ; vous n’avez plus qu’à grimper ainsi quelque temps, du grain de sable au rocher, pour atteindre cet homme à festons et à astragales, dont se moquait Despréaux.

Vous voyez que ceci n’est pas une nouveauté déjà si nouvelle, et que dans la poésie moderne tout se compense : le tout par l’unité, le monument entier par un fragment brisé, les faits par la parole, la pensée par la description, le drame par le récit, la poésie par la prose, l’imagination par le coup d’œil, le monde moral par le monde physique, l’infini par le fini, l’Art poétique par la préface du premier venu.

J’ai donc usé de mon droit de nouveau venu et de la nouvelle charte poétique, en mettant le rien à la place du quelque chose ; et si par hasard, même de ce néant où je me