Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/20

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sa jeune nièce, tout son monde à lui, toute sa petite maison de pauvre campagnard, et le voilà tout à coup à l’abri de toutes les atteintes de la Critique. C’est là, le savez-vous ? une comédie manquée ; c’est comme si l’Avare donnait sa cassette à un mendiant, comme si Tartufe respectait la femme de son ami ; sous ce rapport, le Don Quichotte de Cervantes est un excellent, un admirable livre, un livre de la famille des comédies de Molière ; mais c’est une mauvaise action.

Il serait donc à désirer, avant que de nous faire rétrograder ainsi dans le temps, de se demander : à quoi bon ? et de ne pas s’exposer, comme fit Robinson Crusoé, à laisser sur le chantier une frégate inutile. Quant à la vérité littéraire comme on l’entend de nos jours, c’est un véritable guet-apens tendu à la poésie. De bonne foi, où donc cette rage d’être vrais nous conduira-t-elle ? À mon sens, il devrait être permis d’être moins cruellement exact, de n’être pas forcé, à tout propos, de dire au lecteur : ceci est rouge, ou ceci est blanc, ou même encore de décomposer la couleur pour lui dire : ceci est violet ; les chefs de l’école devraient en même temps ne pas exiger que, lorsqu’il est en présence d’un monument, le romancier compte, par exemple, le nombre des portes et fenêtres de l’édifice aussi exactement que le receveur de l’impôt direct.

Quant aux héros modernes, comme ils sont en très-petit nombre, comme nous avons déjà passé à travers toutes les modifications de l’homme physique, blancs, noirs, poitrinaires, lépreux, forçats, bourreaux, vampires, et que je