Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/204

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qui lui réchauffait les pieds dans son sein, à qui elle donnait si généreusement ses bijoux, ses robes, ses dentelles et ses amants de la veille, Rose prit sa place dans ce paradis profane, et elle ne lui jeta même pas, par pitié, la dernière paire de gants qu’elle avait volée à sa maîtresse. Un seul mot du maître avait suffi pour tout briser autour de cette femme, les glaces, les porcelaines, les diamants, l’amour des hommes et le courroux des femmes, pour anéantir cette puissance du haut en bas : trop heureuse encore que, dans les boues de la rue, la police l’eût accueillie et lui eût ouvert les portes de l’hôpital.

Mais à présent qu’elle est chassée, même de l’hôpital, à présent qu’elle a perdu sa dernière protectrice, l’horrible maladie qui l’avait protégée, à présent où ira cette fille ? Quelle maison voudra la recevoir, si pâle, si pauvre, si faible, si mal vêtue ? À quel seuil inhospitalier ira-t-elle demander un lit et du pain ? Et elle repassait dans sa mémoire toute sa vie brillante, pour savoir où elle irait. Moi, j’attendais patiemment qu’elle eût pris son parti ; ce combat d’un nouveau genre m’intéressait ; j’étais bien aise d’apprendre où donc pouvait se rendre une malheureuse qui sortait de l’hôtel infamant des Capucins.