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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/226

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chafaud ! maintenant il n’y aura que la justice des hommes qui pourra l’atteindre, elle est à l’abri de leurs sales passions. Ainsi, je triomphais enfin de cette femme ! Je montai dans sa chambre avec le commissaire de police ; à peine sur les confins sanglants de cette alcôve immonde, nous fûmes presque repoussés par l’odeur d’un parfum infect ; le désordre était complet : des robes traînantes, des fichus troués, de vieilles chaussures, un jupon sale ; de la boue, de la graisse, mêlées à la lie du vin ; affreux pêle-mêle de toutes sortes de vestiges ternis d’une opulence plus qu’équivoque ; enfin, derrière les rideaux, un cadavre et du sang encore chaud. Elle avait tué cet homme après l’avoir provoqué, et elle l’avait jeté hors de ce lit banal, sans trop savoir pourquoi, tout comme elle l’y avait fait entrer ! Quand nous pénétrâmes dans son antre, la fille de joie était déjà redevenue une femme vulgaire, grâce à son crime ; elle était chastement couverte d’un peignoir, ses beaux cheveux flottaient épars sur ses blanches épaules ; on n’eût jamais dit, à la voir si calme et si tranquille, que c’était là une prostituée, et une prostituée qui venait de commettre un meurtre. D’ailleurs, elle savait si bien à l’avance qu’elle appartenait au commissaire de police, corps et âme, que