Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/232

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qui par hasard ont touché sa robe de leur manteau, secouent leur manteau avec horreur ; puis c’étaient des rires, des quolibets, des imprécations, des blasphèmes ! on disait sur son chemin. — Elle est laide ! tant le vice le plus aimable est horrible quand il est tombé là ! Chargée de tous ces outrages, elle en croyait à peine ses yeux et ses oreilles ; elle se demandait si elle n’était pas le triste jouet d’un rêve. Comment cela se faisait-il : elle s’offrait à tout le monde, et nul ne voulait d’elle ? Ce fut à cet instant même, et quand elle allait peut-être devenir folle tout à fait, qu’un homme pris de vin lui ordonna de le suivre. Elle obéit sans regarder cet homme, comme c’était là sa consigne. Mais, ô surprise, ô douleur, ô vengeance ! cet homme qui le premier profitait de sa prostitution, c’était le même homme qui avait profité le premier de son innocence ! Elle l’avait retrouvé ainsi, aux deux extrémités de sa vie, ce vil libertin, vierge et fille de joie ! Alors un éclair traversa ses yeux, une passion traversa son cœur, un remords parcourut son âme.

Quand donc la cause première de ses crimes, celui-là même qui l’avait arrachée à ses champs, celui qui l’avait rejetée corrompue au fond d’un hôpital, venait chercher encore, insouciant et crapuleux débauché,