Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/284

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« À dater de ce coup d’œil, de ce moment, tout ce qui suivit fut nul pour moi. Les prières de l’aumônier, l’attache du nœud fatal, le bonnet dont l’idée m’inspirait tant d’horreur, enfin mon exécution et ma mort ne m’ont laissé aucun souvenir ; — si je n’étais certain que toutes ces choses ont eu lieu, je n’en aurais pas le moindre sentiment. J’ai lu depuis dans les gazettes les détails de ma conduite sur l’échafaud. Il était dit que je m’étais comporté dignement, avec fermeté ; que j’étais mort sans beaucoup d’angoisses ; que je ne m’étais pas débattu. Quelques efforts que j’aie faits pour me rappeler une seule de ces circonstances, je n’ai pu y parvenir. Tous mes souvenirs cessent à la vue de l’échafaud et de la rue. Ce qui, pour moi, semble suivre immédiatement cette minute d’angoisses, c’est un réveil d’un sommeil profond. Je me trouvai dans une chambre, sur un lit près duquel était assis un homme qui, lorsque j’ouvris les yeux, me regardait attentivement. J’avais repris toutes mes facultés, quoique je ne pusse parler avec suite. Je pensai qu’on m’avait apporté ma grâce ; qu’on m’avait enlevé de dessus l’échafaud et que je m’étais évanoui. Lorsque je sus la vérité, je crus démêler un souvenir confus, comme d’un rêve, de m’être trouvé en un lieu étrange étendu nu avec une quantité de figures flottantes autour de moi ; mais