Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/313

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— Vous y allez nonchalamment, brave homme, et votre fosse n’est guère profonde, à ce qu’il me paraît. — J’y vais comme je puis, me répondit-il ; quant à la fosse, m’est avis qu’elle sera toujours assez profonde pour ce qu’on en veut faire ; et, d’ailleurs, le mort y resterait jusqu’à la fin du monde qu’il ne donnerait pas de contagion ; d’ordinaire, nous n’avons pas de pestiférés ici, ce sont tous des gaillards aussi sains que vous et moi.

— Je vois que vous êtes content de votre place, mon brave, et que vous ne portez envie à personne.

— Ne porter envie à personne ! Ah ! que ne suis-je seulement fossoyeur surnuméraire au Père-La-Chaise ! voilà un métier qui rapporte et qui amuse ! Ce sont, chaque jour, des pour-boire et des évolutions militaires ; c’est une suite non interrompue de mères désolées, de fils inconsolables et d’épouses en deuil ! et ensuite, des monuments superbes, des fleurs à répandre, des saules pleureurs à tailler, des petits jardins à entretenir. À chaque instant, ces gens riches ont besoin de payer quelqu’un pour représenter dignement leur propre douleur. Voilà sans doute un métier bien supportable. » Disant ces mots, il donnait un coup de bêche, puis il reprenait : « Et ici, au contraire, dans ce