Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/78

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de temps à autre il levait le rideau rouge de la salle à manger, comme pour voir si l’on ne venait pas voler ses morts.

Cependant, le premier de ces nouveaux venus s’approchant de l’Anglais : — Voulez-vous revoir votre maître debout ? lui dit-il. — Mon maître ! revoir mon maître ! s’écriait le malheureux. — Oui, votre maître, lui-même, le geste à la main, le sourire à la lèvre, le regard dans les yeux, le voulez-vous ? À ces mots, vous eussiez vu sur la figure de l’Anglais épouvanté, un air d’incrédulité inquiète et malheureuse qui l’eût fait prendre, lui aussi, pour un homme de l’autre monde. — Ce soir, reprit l’inconnu, apportez-moi ce cadavre à neuf heures, et je vous tiendrai parole. — Il prit en tremblant l’adresse qu’on lui présentait, et, comme vaincu par tant d’assurance et par cette promesse solennelle, il répondit : — J’irai. En même temps l’inconnu, Henriette et moi, comme si nous eussions agi de concert, nous sortîmes tous les trois de la Morgue.

À peine sorti, je m’avançai vers le faiseur de miracles ; je ne pensais plus à Henriette ; j’étais tout entier à ce cadavre qui devait revivre le soir même. — Monsieur, dis-je au jeune homme avec assurance, oserais-je vous prier de m’admettre ce soir à la résurrection que vous