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LA FOLLE.

vidait son verre ; puis, quand le jour venait à décroître et quand le rayon lumineux allait se perdre là-bas dans la Seine, la tendre épouse du soleil devenait aussi inquiète que peut l’être la femme d’un pauvre pêcheur de harengs dont le mari est absent depuis deux mois et qui entend mugir la mer. — Que va devenir mon époux ? se disait la folle. Pourvu qu’il ne se blesse pas en chemin, grand Dieu ! — Peu à peu le soleil s’en allait faisant place à la nuit ; alors la folle joignait ses deux nains sur sa poitrine, et d’un ton mystérieux et de sa plus douce voix elle disait à son époux : Attends-moi, attends-moi ! puis elle rentrait dans sa chambre en toute hâte, car elle ne voulait pas faire attendre le soleil.

Singulière et heureuse folie ! aimable délire ! savoir son âme attachée au ciel par un rayon du soleil ! n’avoir pas d’autre passion que celle-là, un ciel serein ! n’avoir à redouter que les nuages qui voilent l’astre du jour ! être heureux toutes les fois que la nature est