Page:Jarret - Contes d’hier, 1918.djvu/48

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
40
CONTES D’HIER

tenue éveillée par son mal. Où allait-elle ? Qu’adviendrait-il de tout cela ? Soudain elle fut saisie d’une pensée singulière et si rapide qu’elle en fut comme étourdie et ne put comprendre. On eût dit une petite voix très-précise et très-nette : « Rappelle-toi, il y a trois ans tu as souffert pareillement. Il s’agissait de quitter le couvent. Tu as gémi, pleuré. Tu disais : « Non, non, ce n’est pas possible. » Qu’était-ce au fond ? De chers liens qui faisaient mal en se brisant, l’effroi d’un avenir inconnu. Cœur tendre et si faible, si faible. Aujourd’hui, voilà le grand tourment qui revient. Pressentirais-tu une nouvelle orientation de ta jeune vie ? Entre nous, ma mie, je crois que tu l’aimes et que tu as peur !… » Dans une première stupéfaction, Claire murmura : « Est-ce vrai ? Cela se pourrait-il ? » Mais elle reprit vite possession d’elle-même et se mit à rire : « Non, je ne l’aime pas d’amour et c’est même là chose certaine. Grand Dieu ! Même en sa présence, je ne puis oublier. Je sais bien que j’ai trop de cœur et cela aussi me donne raison. Quand il parlera il sera maître, toutes les voix se tairont, et je serai forte par cela même qui constitue ma faiblesse ».