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MOISSON DE SOUVENIRS

tînmes des splendeurs de la messe de minuit. Toutefois, nos voix ne réussissant pas toujours à traverser le paravent, il arriva que je compris et répétai tout de travers, un mot de Jean. Il rit, si irrésistiblement, que la contagion me gagna aussitôt. Heureux de son succès, Jean recommença à faire le comique comme dans l’après-midi. Il s’excitait peu à peu, et dans une crise de gaieté, le rire lui coupant la parole, il imagina de lancer son oreiller par-dessus le paravent. Ayant manqué mon coup, en voulant riposter, je sautai à terre et je ramassais mon bien, quand quelqu’un que je n’avais pas entendu venir, me saisit par le bras. Plusieurs fois, déjà, grand-père avait frappé au plafond en disant : « Écoutez donc, là, vous autres ! » mais sans obtenir autre chose, qu’un calme passager.

Je rougis dans la noirceur, tandis que grand’mère me reconduisait au lit, sans un mot. Après avoir rendu son oreiller à Jean, dans un petit discours très sévère, elle nous assura que le premier qui romprait le silence, descendrait en chemise de nuit, en bas, où il y avait des étrangers. Le remords m’écrasait et étouffant mes sanglots, je pleurai si bien, que je finis par m’endormir.

Lorsque je m’éveillai, il faisait toujours sombre, mais une clarté livide emplissait la fenêtre : reflet de la neige ? lueur des astres ? Les étoiles me parurent d’un éclat et d’une grosseur extraordinaires. Du côté de l’escalier, aussi, les lampes d’en bas, dessinaient un carré rouge, lumineux. Bientôt, je distinguai grand’mère près de moi ; je m’étais à moitié rendormie et elle me secouait, répétant, amusée : « Réveille-toi ! Mais, réveille-toi donc,