Page:Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
108
MOISSON DE SOUVENIRS

— Il est vrai, fit-elle, que vous êtes encore jeune. Mais si Notre-Seigneur ne vous a pas parlé, jusqu’ici, je crois, moi, que vous l’entendrez un jour. Enfin, je puis me tromper : les voies de la Sagesse sont impénétrables…

J’ai fait parler de vous, l’autre jour, à la Communauté, reprit-elle sur un autre ton : vos maîtresses s’accordent à vous reconnaître du goût pour l’étude. Il serait donc de votre devoir, me semble-t-il, de compléter votre instruction. Je comprends qu’on trouve la tâche lourde, chez vous : treize enfants et votre père à peu près seul à gagner. Aussi, me suis-je réjouie de pouvoir vous offrir les services d’une famille amie qui se chargerait, avec un bonheur que vous n’imaginez pas, de tous les frais qu’occasionnerait votre séjour, à l’École normale, par exemple. Vos succès, si vous vouliez bien vous appliquer, les récompenseraient et au-delà. Cela vous irait-il ?

Rouge jusqu’à la racine des cheveux, je répondis brutalement :

— Non !

De nouveau, mère Saint-Blaise me regarda, stupéfaite.

— Mais, fit-elle, ne prenez pas les choses ainsi. Voyons Marcelle ! Qu’avez-vous donc aujourd’hui ? Vous ai-je offensée ? Je vous prêtais bien un peu de vanité, comme à n’importe quelle fillette de votre âge, mais si c’est à ce point…

Je ne desserrai pas les dents et comme nous arrivions à un banc, à l’ombre, mère Saint-Blaise s’assit, me força d’en faire autant et sans abandonner ma main gantée :