Page:Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/117

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
119
JEUNESSE

moment, à son jargon, je me levai et lui dis, curieuse :

— Viens me montrer ce qu’il y a.

La porte était ouverte, en avant, et il m’entraîna jusque sur le palier extérieur ; une automobile stationnait au bord du trottoir. Soulevant sa casquette, le chauffeur me demanda si Albert était parti. Ma voix fluette se perdit avant de l’atteindre ; alors, avec un geste d’impuissance à son oreille, il sauta à bas de sa machine et gravissant lestement l’escalier, se trouva bientôt près de moi. Je lui offris d’entrer, mais il ne voulut pas et de l’air le plus aimable du monde, il s’ingénia à multiplier les questions. Se jugeant enfin, suffisamment documenté, il se retira en me priant d’annoncer sa visite à Albert, pour le soir même.

Je souriais en rentrant, et devant le regard interrogateur de maman :

— Je l’ai fort bien reconnu, dis-je. C’est M. Saint-Maurice, autrefois du collège de Maricourt. Je ne savais pas qu’il eût conservé des relations avec Albert ?

Maman me répondit que de fait, il n’était pas venu depuis longtemps.

Dans ma chambre, je me demandai : « Où donc ai-je mis le portrait qu’il a fait de moi, chez marraine ? » J’optai pour la boîte aux images saintes, dans le tiroir de gauche ; mais je me trompais. Alors, il devait être avec les esquisses, à droite, au fond. J’étais si peu patiente, si peu ordonnée encore, surtout lorsqu’une impression vive me dominait. En un rien de temps, mon petit coin eut l’air de je ne sais quoi, mes tiroirs bâillant, mes affaires déran-