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JEUNESSE
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ble. Aussi bien, que faisait-il chez cette voisine ? Il m’apprit que l’aimable personne ayant offert une place à tante Xavier, il avait eu l’honneur d’en profiter et il fut convenu qu’il me rejoindrait après avoir rendu ses devoirs à tante, si je voulais bien marcher à petits pas.

Comme son physique, sa manière aussi avait changé, d’une façon indéfinissable, mais que c’était émouvant à constater ! Je ne pourrais exprimer le plaisir délicat que me causait son joli sourire spirituel.

— As-tu vu le drapeau fleurdelisé, en bas de chez tante ?

Je lui répondis d’un simple « oui » ; mais il comprit que notre émotion avait été la même.

— Je croyais, lui dis-je à mon tour, que tu suivais avec l’A.C.J.C. ?

— Oh ! On me l’avait bien défendu. Enfant, j’étais plutôt frêle, tu le sais sans doute ? Eh bien, imagine-toi qu’à cause de ce précédent, on m’entoure d’une sollicitude humiliante. À certaines heures, je me fais l’effet d’un pauvre petit poulet blanc.

— Pourquoi blanc, relevai-je, quand je remarquais précisément que tu avais bruni ?

Il rit et cependant, nous n’étions pas gais, ni l’un ni l’autre. Rien qu’émus. Je voulus savoir s’il resterait longtemps à Montréal.

— Cinq ou six jours, fit-il. Ce n’est pas énorme.

— Et viendras-tu nous voir, méchant ?

— J’y vais, j’y vais.

— Oui, mais demain ? Après-demain ?