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JEUNESSE

l’inquiétude noya toutes mes autres impressions. L’ayant observé avec beaucoup de soin, j’en vins à la conviction qu’il était beaucoup plus malade qu’on ne croyait ou qu’il ne s’imaginait lui-même. Il avouait un excès de faiblesse, simplement. Grand Dieu ! qu’est-ce qui allait suivre ? La tuberculose sans aucun doute. Avec ses poumons fragiles, je le devinais déjà, s’épuisant à tousser et un jour, s’abandonnant enfin, mort, sur son lit.

Pour la première fois, je voyais, menacée, la vie d’un être cher et chaque jour, mes craintes se précisaient un peu plus. La présence de Jean si ardemment désirée pendant de longues années, me brisait le cœur et bien souvent, lorsqu’il était à la maison, je dus me retirer avant son départ, glacée jusqu’à la moelle des os. Cependant, je ne m’abandonnai pas et étonnée de moi-même, je trouvais chaque matin, le courage de me lever pour entendre la messe ; je retournais à l’église dans l’après-midi et les yeux fixés sur le Tabernacle, j’implorais et suppliais, exaltée d’énergie ; le soir encore, je m’endormais en demandant pitié pour nous. Mais Jean demeurait le même, dans son instabilité et rien ne me délivrait de mes angoisses. Je finis par trouver insupportable, la croix toujours pesante à mon épaule : mes jours avaient été si calmes, jusqu’ici. C’en était-il fini déjà ? Avais-je de nouveau, franchi une étape ? Toutefois, à l’approche du printemps, Jean sembla renaître, et un jour, il me confia gaiement, qu’il se tenait pour à peu près certain du bon résultat de ses examens.

— Ensuite ? m’informai-je. Tu pratiqueras ?

— Avec mon oncle d’abord.