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ENFANCE

coup, je pouffais de nouveau ; les plus infâmes faisaient chorus et moi la timide, moi l’endormie, je recevais des mauvaises notes pour dissipation. Mes sœurs me les reprochaient ; à la Lecture des notes, je me les entendais attribuer avec honte et rougeur, mais comment donc grand’mère pouvait-elle y prêter si peu attention ?

Lors du parloir qui suivait la Lecture des notes, grand’mère s’enquérait avec soin de ce que nous avions mérité. Nous lui remettions d’ailleurs nos bulletins et en nous répétant qu’elle était tenue de veiller sur nous, elle nous distribuait éloges ou blâmes ; doucement prudente avec Thérèse, moins cérémonieuse avec Amanda. Mais quand arrivait le tour de la petite Marcelle, grand’mère paraissait vouloir transpercer des yeux le bulletin révélateur. Elle lisait et relisait, récapitulant les mois précédents.

— Paresseuse ! murmurait-elle en serrant aussitôt les lèvres. Et s’adressant à la Supérieure qu’elle réclamait toujours dans ces occasions :

— Est-ce donc qu’elle manque d’intelligence, ma Sœur ?

— Non, madame, ce n’est pas cela.

— De mémoire peut-être ? Elle n’est pas assez développée pour son âge ?

— Pas cela non plus, madame.

— Je vois : nonchalance, manque d’énergie. Ça ne sera jamais un caractère. Elle est gourmande aussi, je l’ai remarqué : elle ne saura pas se renoncer et deviendra un sujet de perdition pour les autres. Le bulletin dit encore « nul » pour l’ordre ?