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MOISSON DE SOUVENIRS

de neuf ans et moi. J’en étais heureuse, il me semblait être mieux surveillée et suivie. Mère Saint-Robert était délicieuse : une vraie maman des petites. Patiente, fine, pratique, toute petite elle-même, avec un visage rond d’enfant ; je trouvais qu’elle ressemblait à maman. Lorsqu’elle sortait de sa classe, sa robe de bure noire était toujours brodée, dans le bas, de quatre bons doigts de poussière et si on le remarquait :

— Que voulez-vous ? répliquait-elle avec tranquillité en se secouant, les enfants n’apprendront jamais à s’arrêter avant d’avoir les pieds sur nous.

Les exercices eurent d’abord lieu une fois par semaine, le jeudi après-midi. Avec mai, ils devinrent plus fréquents et la petite dans ma classe, faillit être renvoyée, ce qui m’impressionna fort. Comme on nous annonçait la retraite préparatoire au grand jour, une nouvelle nous parvint à ma sœur et à moi, des États-Unis. Maman prenait le train pour Maricourt. Depuis septembre, un nouveau petit frère était venu se joindre aux autres pour user ses forces et tante Hermine, lors de son voyage, l’avait trouvée si abattue et déprimée qu’elle lui avait fait promettre de se rendre à Maricourt pour ma première communion.

Je ne pus embrasser maman et Victor, le bébé, que deux fois avant la retraite. Celle-ci commencée, nous appartenions au bon Dieu tout seul, séparées des autres, même au réfectoire, même au dortoir où nous nous rendions les premières. Ces quelques jours d’attente et de préparation me parurent longs ! Sans doute à cause de la contrainte que je m’imposais.