Page:Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/55

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
ADOLESCENCE

Le matin du grand jour, je me vois debout à côté de mon lit, les lèvres encore strictement closes par le silence, tandis qu’Amanda achève de draper mon voile ; quand c’est fait, elle me prend la tête dans ses mains et me baise doucement au front. J’ai hâte qu’elle s’éloigne : elle a apporté dans le soin de ma toilette, une attention si respectueuse et si délicate que j’en suis touchée aux larmes et que je ne sais si je pourrai me retenir longtemps. Tout le dortoir est en silence et les élèves achèvent de s’habiller. Dehors le soleil irradie et les oiseaux pépient dans les arbres. Mère Saint-Robert s’avance dans l’allée et aussitôt, nous nous formons en rangs et nous descendons à sa suite les escaliers, blanche cohorte des petits anges de la terre, se rendant à la rencontre du Créateur inconnu. Nous arrêtons à la chapelle y faire notre prière, puis nous descendons encore jusqu’à la petite salle où avaient lieu les leçons de catéchisme.

Quelques quart-de-pension s’y trouvaient déjà ; les dernières arrivent peu à peu, discrètes, silencieuses, toutes voilées et vêtues de blanc des pieds à la tête. D’une voix émue, mère nous lit les actes préparatoires. La cloche sonne à l’église toute proche, c’est pour nous appeler. Nous reformons nos rangs derrière mère Saint-Robert et je suis la troisième des plus petites. On nous fait placer à droite de la grande allée ; les petits garçons sont à gauche, tout de noir vêtus, col, cravate et brassard blancs. Nous entendons les gens qui ne cessent d’entrer ; l’église doit être remplie. L’autel est paré de fleurs et il y a un ruban blanc noué à la lampe du sanctuaire. Je me mets à frissonner,