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ADOLESCENCE

je ne tardai pas à me rendormir, heureuse tout de même, de cette caresse du ciel.

La deuxième communion eut lieu un peu plus tard, dans la chapelle du couvent ; maman y était et de nouveau, nous avions notre livrée blanche. Le dimanche qui suivit, l’âme remplie de désir candide, les mains tendues, sous la nappe, nous demandions encore à Jésus de descendre en nos cœurs. Cette fois, nous étions en robes noires, de costume, avec le voile blanc des communiantes et en descendant l’escalier, après avoir quitté la chapelle, m’étant retournée par hasard, j’éprouvai une nostalgie étrange à voir les benjamines qui pliaient leurs voiles noirs, avant de l’enfouir dans leurs poches de dessous. À la porte du réfectoire, je me retournai et les regardai de nouveau, le cœur un peu plus serré. J’avais franchi une étape ; jamais plus, je ne pourrais faire partie du groupe des petites. Je ne regrettais rien, mais qu’y avait-il donc de si poignant dans cette pensée : fini

J’eus trois prix, cette année, deux rouges et un bleu, car la couverture représentait bien, n’est-ce pas ? la moitié de leur valeur. Maman me les remit et j’étais fière. Le lendemain, je passai quelque temps avec Jean, chez lui, en attendant l’heure du train. Je ne refusai pas, alors, de m’asseoir dans le hamac. Nous parlions de notre première communion. Jean avait fait la sienne deux ans auparavant, dans son lit et bien malade. Tout à coup :

— Regarde-moi bien, Marcelle, fit-il, en se figeant tout droit.