Page:Jarret - Moisson de souvenirs, 1919.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
64
MOISSON DE SOUVENIRS
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

— Absolument, me disais-je aussi, que je pourrai rejoindre Jean, au dîner de famille et ensuite, chez lui, le jour des Rois.

Je le vis, en effet, et il était bien tel que je me l’étais représenté. Mais je ne pus jouir de lui, comme je l’aurais désiré. Gonzague était toujours entre nous, et puis… il faisait son homme, je crois bien. Ce qui l’obligeait à des prévenances, à des galanteries qui l’éloignaient sans cesse. Somme toute, je m’amusai bien pourtant, souvent avec lui, mais il me fut impossible de rien apprendre de sa nouvelle vie, au collège, et les confidences que j’avais moi-même préparées demeurèrent inutiles. Le jour des Rois, j’arrivai chez lui, malade d’une forte migraine ; je ne voulus pas souper et tante me fit coucher. Lorsque je descendis au salon, mon malaise enfin dissipé, comme trois ans auparavant, tout était fini et l’on organisait le départ.

Je revins avec plaisir au couvent ; j’étais très encouragée ; pour me stimuler davantage, ma maîtresse me fit encore monter de division. Entre ses mains, je devenais un sujet d’émulation pour les autres élèves, mais elle agissait avec une prudence si parfaite que je ne me doutais nullement de son action sur moi, et que je trouvais tout naturel et même intéressant au possible, de faire effort, après avoir langui si longtemps. Pour me récompenser, mère Sainte-Sabine me décernait parfois un compliment, toujours le même : elle disait que je n’avais pas la tête dure. Pour elle, il y avait deux catégories d’élèves sur la terre : les têtes dures et les autres. Et je sais que je suis restée dans sa