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ADOLESCENCE
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mettrait-on un petit déplacement à moi aussi ? Je me voyais déjà, pimpante, une valise à la main et prenant le train pour Maricourt et Saint-Claude. Je fus désappointée sur toute la ligne. Jean ne mit pas les pieds chez nous ; son année l’avait fatigué, paraissait-il et on l’envoya passer ses vacances chez son grand-oncle, dans les montagnes. Revenu chez lui, en août, il alla finir les quinze derniers jours chez grand’mère. Je n’osai demander un voyage : chacun se privait, les affaires ne se remettant que très très lentement. Mes grands frères du collège avaient travaillé tout l’été avec un courage admirable.

Lorsque je me présentai chez marraine, le jour de la rentrée, on m’apprit que Jean n’était pas encore revenu de Saint-Claude et je dus retourner au couvent, sans l’avoir vu. J’en demeurai irritée contre grand’mère que j’accusai formellement dans mon dépit. La revanche de l’entendre chanter à l’église, me fut de même refusée : il se taisait. Je n’y comprenais rien et chaque dimanche, mon espérance timide retombait lourdement sur mon cœur. L’exemple de Gonzague aurait dû m’avertir, mais c’est curieux, je ne devinai pas.

Rien ne me plaisait comme de me reconnaître des loisirs et je me morfondais plutôt à étudier, pour qu’ensuite, un tiers ou un quart du temps alloué pour l’étude, m’appartînt bien en propre. Alors, je me rendais auprès de la surveillante et je lui demandais la permission de prendre mon livre de bibliothèque. Elle disait quelquefois oui, quelquefois non : dans ce dernier cas — ou si c’était mère Saint-Roch qui surveillait, car d’elle je ne