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ADOLESCENCE

l’Évangile, il appela le Cours préparatoire : petits bonshommes aux têtes rondes, aux traits enfantins, qui, après avoir reçu la pile de volumes précieux, allaient s’immobiliser au fond du théâtre, par rang de mérite. Chaque nouvelle proclamation était applaudie à outrance, par les jeunes confrères de la galerie et lorsque les meilleurs de la classe eurent été ainsi récompensés, ils défilèrent par la porte, à leur gauche, et le prêtre fatigué, céda sa place à un grand écolier, à voix d’homme.

Je ne me tenais pas de hâte, tant je désirais la Versification et cependant, tout était bien intéressant. Les élèves grandissaient à chaque cours. Et quel délice que d’entendre se succéder les beaux noms canadiens, la plupart, tout simples à signification immédiate ou parés d’une pointe d’originalité, d’un tour archaïque : car ils sont vieux, les noms du pays, et ils se répètent souvent, le noyau de la population ayant été petit et les familles, nombreuses.

— Classe de Versification. Excellence, premier prix : Jean Sablé.

Mon Dieu ! Jean qui allait venir. Car on apporterait sa pile de livres à marraine, afin qu’elle eût le plaisir de la lui remettre elle-même. J’essayais de me composer un visage. Devais-je sourire ? Regarder ailleurs ? Rapprocher les sourcils et paraître fâchée ? Comme je cherchais à me décider, Jean me donna lui-même l’exemple de ce que je devais faire. Il s’avança, impassible, sourit discrètement à sa mère et s’en retourna, comme s’il ne m’avait pas vue. Gonzague arrivait troisième et lui me sourit franchement.