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SPÉCULATIONS

guéri du sentiment « interne » de la soif de l’eau.

Le poison est simplement, pour le corps humain, l’inattendu. Les savants mêmes, ainsi que l’ont prouvé les récents travaux sur l’alcool, s’obstinent à appeler poison un aliment tant qu’il n’est point encore officiellement catalogué au codex de leur routine. L’action toxique détermine une impression d’ « étonnement », sans qu’il soit nécessaire de prendre ce mot dans son acception énergique du seizième siècle, où l’on écrivait : « estonner d’un coup de baston ». Les cellules de l’organisme se rebiffent devant les nourritures nouvelles, comme un enfant devant sa soupe, jusqu’à ce qu’une longue habitude leur ait appris à les utiliser. Il n’est pas impossible que nos aliments les plus familiers et indispensables, le pain, l’alcool ou la viande, agissent sur des êtres inférieurs à la façon de nos poisons actuels sur nous-mêmes. La viande est riche en toxines, mais il semble que la valeur nutritive soit en raison directe de la toxicité. La sueur est bien un toxique ; or n’est-il pas admis que si les hauts capitalistes deviennent ventripotents, c’est qu’on ne sert sur leur table que la sueur du peuple, déodorisée pour les délicats ?