Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/150

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clérical, c’est qu’il offre aux esprits une synthèse, un corps de doctrine : c’est qu’il peut proposer aux masses populaires un Credo. Certes, il ne s’agit de rien de tel pour les futures Universités : la science ne peut être emprisonnée dans une formule, et les conclusions de la libre recherche, toujours revisables, ne se peuvent convertir en dogme. Cependant, les sciences, depuis la mécanique jusqu’à la science de l’esprit et des sociétés, constituent un puissant ensemble, et elles donnent une première idée grandiose de la vie en travail et de l’univers en progrès. Encore une fois, il n’y a pas là une formule et un dogme, et les philosophies les plus diverses peuvent diverger de ce point commun ; mais la science, comprise dans son unité, donne à tous les esprits une même élévation qui est déjà un accord : il y a une amitié naturelle entre les cimes.

Dès lors, le haut enseignement pourra vraiment entrer en relation avec le peuple. Le peuple n’a que faire de la Faculté des lettres toute seule : il ne veut pas devenir professeur ; il n’a que faire de la Faculté de droit toute seule : il ne veut pas devenir avocat ou juge ; il n’a que faire de la Faculté de médecine toute seule : il ne veut pas devenir médecin ; mais le jour où, par le groupement des Facultés en Universités, par la familiarité intellectuelle des maîtres entre eux et des étudiants entre eux, chaque science ne sera plus qu’un organe particulier d’une même pensée humaine,