Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/194

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jusqu’au bout, peuvent concevoir que les grandes Universités pourront être nombreuses en France sans se contrarier les unes les autres. Et voilà pourquoi je disais que l’esprit socialiste seul pourrait lever le premier obstacle à la création des Universités.

Mais il est un autre obstacle bien plus grand : c’est l’affaiblissement de l’esprit laïque. Il y a quinze ans, dans la première générosité républicaine qui suivit la chute du 16 mai, si l’on avait vu dans la création de grandes universités régionales un moyen décisif de combattre l’Église, nul, malgré la répugnance de certains intérêts locaux, n’eût hésité. Et aujourd’hui l’on hésite, parce que l’Église reprend peu à peu la direction des esprits et des faits. Le même Challemel-Lacour, qui a fait échouer au Sénat le projet sur les Universités, a renié la tradition laïque du parti républicain, humilié Renan devant M. d’Hulst, et proclamé à l’Institut que la science et la pensée libre ne pouvaient fournir aux multitudes humaines une religion de vie.

Toute la question est donc là : il s’agit de savoir si à l’Église, qui agit par une doctrine une, nous pourrons opposer non pas un dogme, mais la science elle-même dans sa liberté et dans son unité. Ce ne sont point les sciences isolées, et surtout les sciences appliquées, qui peuvent donner à tout esprit le sentiment de la