Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/304

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Pendant ce temps, sous les répressions sanglantes, sous les mépris insolents, la pensée prolétarienne s’éveillait : l’idée socialiste se formait, et, devant la crise de 1848, la bourgeoisie affolée passait brusquement à l’Église et lui demandait secours. Et certainement, si le coup d’État n’était intervenu pour rassurer les classes possédantes et l’aristocratie bourgeoise, si les luttes politiques et sociales de 1848 et de 1849 s’étaient prolongées quelques années encore, c’est vers l’enseignement clérical que presque toute la bourgeoisie se fût portée. L’Empire établit une sorte de compromis entre l’Université et l’Église. Il ne pouvait renier et contrarier celle-ci, puisque sans elle il n’aurait pas vaincu la Révolution et la République. Il ne pouvait lui tout livrer, parce qu’elle était, de tradition et de doctrine, plus légitimiste que césarienne. Et la bourgeoisie pouvait sans crainte confier ses fils à l’Université. L’ordre social et la propriété étaient assez fortement défendus par le maître de Décembre pour que la classe bourgeoise pût se permettre une liberté intellectuelle modérée, sous la tutelle, tantôt pesante, tantôt légère, de l’Église. Il y eut même des heures où l’Empire, obligé de reprendre à demi, au moins en Italie, la tradition révolutionnaire, fut assez brouillé avec l’Église pour donner l’essor à l’enseignement universitaire et à l’esprit de liberté. Assurément, la croissance de l’opposition et du mouvement ouvrier eût bientôt