Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/334

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des savants ; de l’autre des officiers d’artillerie ou du génie, qui ne seront que des combattants.

Les objections abondent. D’abord, sous prétexte de briser les coteries, ne va-t-on pas en créer une nouvelle, la plus exclusive et la plus redoutable de toutes ? Ce corps des ingénieurs militaires, qui n’aura plus aucun rapport avec l’armée, qui ne se mêlera plus à elle, et qui sera chargé officiellement de penser pour elle, ne deviendra-t-il point à nos officiers un intolérable fardeau ? On se plaint de l’esprit exclusif du corps des Ponts et chaussées ; et que va-t-on faire ? Superposer à l’armée un corps des ponts et chaussées qui ne fraternisera point avec elle dans la pratique des armes et la vie des camps. Tous les officiers dont la tête travaillerait, qui concevraient l’idée d’une arme nouvelle, d’un explosif nouveau, seront détournés et découragés d’avance de toute recherche ; leurs inventions, n’étant point sorties de l’officine légale, seront à peine examinées. Est-ce que c’est leur rôle à eux de penser, de créer, de réfléchir ? Qu’ils pointent le canon ou qu’ils règlent la hausse ; ne doivent-ils pas être avant tout des machines de précision exécutant une formule, trouvée ailleurs ?

Un corps étroit, séparé de l’armée et absorbant toute la vie scientifique de l’armée, est-ce là un progrès ? Et à quel moment va-t-on dépouiller de leur droit de création ceux qui sont à la fois des combattants et des