Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/345

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communique. C’est la grande force de la République, qu’elle ait le don d’exalter les âmes ; chacune des consciences visitées par elle devient un instrument vivant de propagande. Voilà comment l’idée républicaine passe d’homme en homme à travers l’armée.

Une grave question s’offre maintenant à nous. Quand les hommes sont sortis du régiment, quand ils ont été repris par les habitudes antérieures, que leur reste-t-il de cette éducation virile et républicaine de l’armée ? Ils sont rentrés à la maison paternelle où ils retrouvent parfois un esprit opiniâtre de routine ; ils retrouvent aussi ces influences territoriales, qui les entouraient autrefois ; et, peu à peu, ils risquent de retomber dans l’ornière de réaction d’où ils étaient sortis. J’ai vu des paysans qui avaient assisté en héros à des batailles illustres, qui avaient traversé les grandes plaines italiennes ou escaladé sous les balles les pentes de la Kabylie, et qui ne s’en souvenaient presque plus. C’est à peine si, en les questionnant, on faisait remonter à leurs yeux l’éclair évanoui des années héroïques. Chaque jour qui était passé avait jeté comme une pelletée de terre sur ces souvenirs ardents, qui auraient pu allumer, à la fierté du soldat, la fierté du citoyen. O vous tous, jeunes gens d’aujourd’hui, qui allez sortir du régiment, qui, après avoir appris à défendre la terre de France, allez de nouveau, par votre travail sacré, la