Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/409

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il amadouera les annexés ; il rétablira la facilité des communications entre eux et la France ; il apportera aux populations catholiques d’Alsace certaines satisfactions réclamées avec une vivacité imprudente par quelques députés protestataires qui risquent ainsi d’aliéner leur liberté ; au besoin, il mettra à profit l’influence croissante de la papauté sur ses affaires, pour obtenir d’elle quelques paroles de médiation qui le réconcilient avec les dirigeants français ; et il essaiera d’obtenir des Alsaciens « ralliés » qu’ils lui servent d’introducteurs auprès de la France et qu’ils lui rendent possible un voyage à Paris lors de la prochaine exposition universelle.

Voilà évidemment le plan impérial, toute réserve faite des fatalités ou des caprices qui peuvent jeter soudain dans la guerre Guillaume II. Ce n’est pas ainsi que nous comprenons la paix entre les deux peuples. Elle ne sera noble et solide que lorsqu’ils seront débarrassés tous deux de toute tyrannie, impériale, militaire, capitaliste. Ce jour-là, l’Alsace-Lorraine, entre deux foyers de liberté et de vie qui croiseront sur elle leurs rayons amis, sera rendue à elle-même, c’est-à-dire, dans la mesure où le cœur alsacien le voudra, à la France. Entre la paix impériale, faite d’abdication et de violence, et livrée à tous les hasards, et la paix socialiste, faite de justice et de certitude, deux grands peuples ont, dès maintenant, à choisir.