Page:Jaurès - Action socialiste I.djvu/79

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boulangiste et des disputes grossières se sera tu, les beaux rêves se réveilleront d’eux-mêmes au cœur des citoyens libres. Ils se diront que, dans un intérêt économique aussi bien que dans un intérêt moral, il faut constituer tous les travailleurs dans notre pays à l’état d’hommes ; que le vrai moyen d’exciter l’énergie de la production nationale, comme de relever le niveau humain, c’est de développer en chaque travailleur toute la valeur d’homme qu’il contient ; qu’il faut, pour cela, l’arracher, par la solidarité professionnelle, au servage des faibles isolés devant les grands capitaux, aux terribles hasards du chômage et à l’écrasement du labeur irrégulier et démesuré ; qu’il faut subordonner les lois brutales de la concurrence aux lois supérieures de la vie et non celles-ci à celles-là ; qu’il faut ménager dans l’existence de tout homme une petite place pour la vie de famille et pour la vie de l’esprit, et que, dans ces quelques heures de loisir humain restituées à tout homme, il faut, par une éducation incessante et multiple, concentrer tous les rayons de la pensée, comme on pratique dans la forêt enchevêtrée et sombre quelques éclaircies où rit la lumière du soleil.

Les citoyens libres de la République française se diront que l’Église défaillante, après des siècles de domination, leur a laissé l’humanité à guérir de tous les maux de l’ignorance et du servage, et qu’il faut que