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HISTOIRE SOCIALISTE

tion. Ils vont jusqu’à déclarer rebelles les citoyens ennemis de leur propre liberté qui consentiraient à payer l’impôt non consenti par la Nation.

Enfin ils sentent si bien qu’à travers les orages et les difficultés de la période qui s’ouvre, le recours suprême sera toujours à la Nation ; et qu’en elle est la suprême force, la suprême sauvegarde révolutionnaire, qu’ils décident que les États généraux eux-mêmes ne pourront plus toucher à la Constitution une fois votée par eux ; que, pour la réviser, la Nation, seul pouvoir constituant, devra nommer une assemblée extraordinaire investie d’un mandat exprès.

Ainsi, dans un prodigieux éclair jailli de la pensée révolutionnaire de Paris nous entrevoyons, après la Législative qui a qualité pour légiférer, mais non pour constituer, la foudroyante Convention qui abolira la Constitution de 1791 et la royauté. La bourgeoisie révolutionnaire trace et éclaire au loin sa route et il y a vraiment entre les prévisions ou les dispositions que je viens de citer et les événements révolutionnaires une concordance merveilleuse. C’est comme un germe de pensée qui en se développant devient de l’histoire. O les plaisants théoriciens rétrogrades qui accusent de je ne sais quel vertige d’abstraction ces prodigieux voyants et organisateurs révolutionnaires !

Je peux maintenant, sans exposer les rédacteurs des cahiers à être traités d’esprits abstraits et vains, détacher du cahier du Paris intra-muros, si substantiel et si et si ferme, la belle déclaration des droits qui deviendra avec quelques retouches la fameuse déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

déclaration des droits.

Dans toute société politique tous les hommes sont égaux en droits.

Les droits de la nation seront établis et déclarés d’après les principes qui suivent :

Tout pouvoir émane de la Nation et ne peut être exercé que pour son bonheur.

La volonté générale fait la loi : la force publique en assure l’exécution.

La nation peut seule concéder le subside : elle a le droit d’en déterminer la qualité, d’en limiter la durée, d’en faire la répartition, d’en assigner l’emploi, d’en demander le compte, d’en exiger la publication.

Les lois n’existent que pour garantir à chaque citoyen la propriété de ses biens et la sûreté de sa personne.

Toute propriété est inviolable. Nul citoyen ne peut être arrêté et puni que par un jugement légal.

Nul citoyen, même militaire, ne peut être destitué sans jugement.

Tout citoyen a le droit d’être admis à tous les emplois, professions et dignités.

La liberté naturelle, civile, religieuse de chaque homme, sa sûreté personnelle, son indépendance absolue de toute autre autorité que celle de la