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HISTOIRE SOCIALISTE

loi, excluent toute recherche sur ses opinions, ses discours, ses écrits, ses actions en tant qu’il ne troublent pas l’ordre public et ne blessent pas les droits d’autrui.

En conséquence de la déclaration des droits de la nation, nos représentants demanderont expressément l’abolition de la servitude personnelle, sans aucune indemnité ; de la servitude réelle, en indemnisant les propriétaires ; de la milice forcée ; de toutes commissions extraordinaires ; de la violation de la foi publique dans les lettres confiées à la poste, et de tous privilèges exclusifs si ce n’est pour les inventeurs, à qui ils ne seront accordés que pour un temps déterminé.

Par une suite de ces principes, la liberté de la presse doit être accordée ; sous la condition que les auteurs signeront leurs manuscrits, que l’imprimeur en répondra et que l’un et l’autre seront responsables des suites de la publicité.

La déclaration de ces droits naturels, civils et politiques, telle qu’elle sera arrêtée dans les États généraux deviendra la charte nationale et la base du gouvernement français. »

Qu’on songe bien, après avoir lu ces chapitres du cahier du Tiers État de Paris que dans tous les bailliages et sénéchaussées de France, le Tiers État affirmait le même principe, adoptait la même méthode, proclamait les mêmes droits de l’homme et de la nation, la même nécessité du vote par tête, la même tactique de l’impôt subordonné au vote de la Constitution et on comprendra quelle force irrésistible et une, émanée de la conscience même du pays, portaient en eux les députés du Tiers.

En face de ce Tiers-État, si uni, le clergé et la noblesse sont affaiblis par de profondes divisions dont leurs cahiers portent la marque. D’abord il n’y a pas une très grande bienveillance de la noblesse pour le clergé qui, en matière d’impôt, est encore plus privilégié qu’elle. Ensuite, dans le clergé, comme nous l’avons vu, il y a pour ainsi dire deux ordres ou même deux classes : le haut clergé splendidement doté, le bas clergé maigrement payé et accablé de dédains.

La lutte va si loin que, dès les premières semaines qui suivent la Convocation des États Généraux les prêtres qui veulent se réunir au Tiers-État invitent la nation à gager et hypothéquer les dettes de l’État sur les biens ecclésiastiques : c’était frapper la haute Église au cœur.

C’est le 27 juin que la minorité du clergé réunie hors de la présence des grands dignitaires déclare : « Que les propriétés de l’Église soumises comme les biens laïques au payement des taxes nécessaires pour la défense et la prospérité de l’État, serviront également d’hypothèque et de gage à l’acquittement de la dette nationale, lorsqu’elle aura été reconnue et dûment vérifiée. » De là à la nationalisation des biens d’Église il n’y a qu’un pas et il est curieux de constater que cette grande mesure d’expropriation, la plus révolu-