Page:Jaurès - Histoire socialiste, I.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
212
HISTOIRE SOCIALISTE

Gesvres. Pour les autres habitants, ils sont logés dans de petites chaumières toutes simples, sans avoir de quoi loger ni bestiaux, de pas une espèce, ni même des volailles ; suffit qu’il faut que nous achetions tout ce qu’il nous faut pour notre subsistance, voyez quelle est la misère d’une paroisse pareille ! Voyez s’il est possible qu’un homme qui gagne 20 et d’autres fois 24 sous puisse faire vivre une famille de six et d’autres de huit enfants avec les 24 sous qu’ils ont gagnés dans leur journée ; achetant le pain 44 sous les 12 livres, payant le sel 14 sous la livre, le beurre 24 sous ; étant obligés d’acheter des légumes, vu que nous n’avons pas une perche de terrain, et pouvant en avoir, vu qu’il y a dans notre paroisse 130 arpents ou environ de commune qui sont en mauvais pâturage, dont nous ne pouvons pas tirer parti par l’étroit de bâtiment où nous sommes. Nous demandons qu’il nous soit accordé de nous mettre en possession de ces dits terrains, nous soumettant de payer par arpent 4 livres de rente, et de faire une fondation d’une somme de cent livres pour avoir un maître d’école. Cela nous mettrait dans le cas d’élever nos enfants dans la crainte de Dieu et dans l’instruction qui est due à l’homme ; et le restant servirait à soulager la paroisse en cas d’accident, comme incendie, ravagement d’eau ; pour soulager les veuves et orphelins, les malades. Les dits terrains nous étant accordés à nous, qu’il nous soit permis de bâtir dessus ; cela nous exempterait de payer un loyer de 40 livres par année. Le terrain qui nous serait accordé, en le mettant en nature de labours, d’après les peines que l’on s’y donnerait à les mettre en bon rapport, nous produirait du grain pour vivre une partie de l’année : ledit terrain nous produirait des fourrages pour nourrir deux vaches et un cheval, et nous pourrions avoir des poules et avoir des jardins qui nous produiraient des légumes : cela nous mettrait à portée d’avoir une partie des éléments qui nous sont nécessaires à la vie, et nous vivrions beaucoup mieux que nous n’avons fait jusqu’à ce jour, et cela nous ôterait les chaînes que nous avons depuis longtemps, vu que nous sommes tous dépendants de ces seigneurs. Depuis qu’il a été accordé à plusieurs paroisses de se mettre en possession de ces terrains, cela leur fait un grand bien, et fait vivre quantité de mercenaires, depuis qu’ils ont été accordés à la paroisse de Noisy-le-Grand, Campan, Thieux et beaucoup d’autres paroisses. Ces particuliers ont mis ces terrains les uns en labour, d’autres en saussaie et d’autres en prés, d’autres en pépinières d’arbres et ont très bien réussi : Les fermiers de notre paroisse ne sont point de notre avis que les dites communes soient partagées ; ils ont le plus grand intérêt à n’y point consentir, vu qu’ils en tirent tout l’usufruit eux seuls… Nous voyons devant nos yeux, tant communes que voirie, le moins 20 arpents dont ces fermiers se sont emparés sans en payer aucun tribut, qui leur produisent de très bons grains. Voilà comme les biens communaux des paroisses se trouvent détruits ; au bout d’un certain temps les seigneurs se trouvent avoir la jouissance et profit de ces terrains, et la petite populace est toujours