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HISTOIRE SOCIALISTE

à MM. les gardes du corps pour les engager à prendre la cocarde nationale et à faire réparation de l’injure qu’ils ont faite à cette même cocarde. »

Plusieurs membres s’écrient que les bruits répandus sur les gardes du Roi sont calomnieux.

Quelques expressions peu mesurées, dit le compte rendu, échappées à l’orateur lui attirent une injonction du président de se contenir dans le respect qu’il doit à l’Assemblée nationale. Le président ajoute que tous ceux qui veulent être citoyens peuvent l’être de leur plein gré et qu’on n’a pas le droit de forcer les volontés.

Maillard répond : « Il n’est personne qui ne doive s’honorer de ce titre, et s’il est, dans cette diète auguste, quelque membre qui puisse s’en croire déshonoré, il doit en être exclu sur le champ. »

Toute la salle retentit d’applaudissements, et une foule de voix répètent : Oui, oui, tous doivent l’être, nous sommes tous citoyens.

Au même instant on apporte à Maillard une cocarde nationale de la part des gardes du corps. Il la montre aux femmes comme un gage de leurs dispositions pacifiques, et toutes s’écrient : « Vive le Roi, vivent les gardes du corps ! »

Et Maillard conclut : « Je suis bien loin de partager les soupçons qui agitent tous les esprits : mais je pense qu’il est nécessaire, pour le bien de la paix, d’engager sa Majesté à prononcer le renvoi de ce régiment qui, dans la disette cruelle qui afflige la capitale et les environs, augmente les malheurs publics, ne fût-ce que par l’augmentation nécessaire qu’il occasionne dans la consommation journalière. »

Le récit de Mounier diffère en quelques points du compte rendu. D’après lui ce n’est point Maillard qui parle le premier : il laissa d’abord la parole à un de ses compagnons et intervint brusquement pour dire : nous obligerons tout le monde à porter la cocarde patriotique ; puis il garda la parole jusqu’à la fin.

Il y a dans ce discours quelques puérilités : car comment attribuer la disette d’une ville de plus de sept cent mille hommes à un millier de gardes du corps ? Mais il y aussi je ne sais quel accent de sagesse grave et de sincérité ; et, après tout, il résumait toute la pensée du peuple en deux mots décisifs : du pain et la cocarde tricolore ! c’est-à-dire : la vie et la Révolution. Visiblement les femmes étaient venues à l’Assemblée sans haine, avec un grand fond d’espérance : au premier signe ami des gardes du corps elles s’attendrissent et les acclament.

L’Assemblée complète le mandat des députés qu’il envoie au Roi : ils demanderont, outre la sanction de la déclaration des droits, des mesures vigoureuses pour assurer la subsistance de la capitale. Mounier, président, sort, vers cinq heures, avec les délégués et se dirige vers le château. Les femmes le suivent en foule : il est convenu que douze seulement l’accom-