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HISTOIRE SOCIALISTE

de chaque commune le mouvement du personnel dirigeant et il faut espérer que des chercheurs s’appliqueront partout à ce travail.

A Paris, le régime municipal ne fut fixé décidément que le 21 mai 1790. La loi consacrait pour Paris les principes généraux appliqués à toute la France. Elle remplaça les 60 districts par 48 sections, et c’est dans chacune de ces sections, que les élections eurent lieu. On pouvait croire qu’après les journées d’octobre où l’élément populaire avait joué un rôle si décisif tandis que l’administration municipale avait été si incertaine et si effacée, un courant démocratique plus vif se marquerait dans les nouvelles élections municipales. On pouvait croire aussi que la loi du marc d’argent, et l’arrogance de la garde nationale détermineraient parmi les citoyens actifs un mouvement contre l’oligarchie bourgeoise parisienne. Il n’en fut rien.

Condorcet saisit l’assemblée de l’Hôtel-de-Ville d’un mémoire où il protestait fortement contre le cens d’éligibilité, ou tout au moins contre son exagération. Il disait que la loi du marc d’argent était particulièrement dure à Paris, où la proportion des impôts directs était faible en regard du chiffre des impôts indirects, et où il était plus difficile, par conséquent, d’atteindre à un marc d’argent d’impôt direct. Mais l’Assemblée laissa tomber cette protestation.

Marat invita deux ou trois fois les pauvres à revendiquer, à exiger leur droit d’électeurs, à se présenter, malgré la loi, aux assemblées électorales, pour prendre part au vote. Mais il n’était guère écouté encore, et sa voix n’eut point d’écho. Il dut constater lui-même, avec une sorte de désespoir, que la plupart des membres de l’ancienne municipalité étaient réélus, notamment le maire Bailly, qu’il avait si âprement attaqué ; Vauvilliers, de la Morinière, qu’il haïssait.

Au demeurant, le nombre des votants fut très faible, c’est à peine si un quart ou un cinquième des citoyens actifs alla au scrutin. Il nous est malaisé d’expliquer à distance cette énorme abstention parisienne ; elle surprenait les contemporains et ils n’ont su nous en donner la raison. Peut-être la longueur des opérations électorales, la fatigue des services multiples que la Révolution imposait à la bourgeoisie écartaient du scrutin beaucoup de bons bourgeois et boutiquiers de Paris, retenus d’ailleurs par leurs affaires.

Après les élections municipales, en octobre 1790, quand les assemblées primaires se réunirent pour choisir l’assemblée des électeurs chargée de nommer les administrateurs du département, les juges, les curés, le nombre des votants fut infime. Sur 78,000 citoyens actifs inscrits dans les 48 sections de Paris, c’est à peine, d’après le tableau dressé par M. Charavay, si 2,000 en moyenne (un trentième) prirent part au vote ; la proportion fut plus forte dans les cantons (Nanterre, Passy, Colombes, Saint-Denis, etc.) ; elle dépassa 2,000 pour 15,000 électeurs inscrits ; mais ici encore c’est une fraction très faible, un sixième à peine qui vote.